Un constat alarmant
Les agents de l’Etat sont les victimes collatérales de la réforme territoriale :
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Leurs carrières vont encore être mises à mal, alors qu’elles l’ont déjà été par les réorganisations successives (RGPP, REATE et MAP pour les plus récentes). Si le principe de mobilité non obligatoire continue d’être brandi, il n’en demeure pas moins que les agents vont être acculés à faire des choix dont les conséquences sont lourdes pour leur parcours professionnel et/ou leur vie personnelle.
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Leurs conditions de travail continuent de se dégrader.
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Les structures sont considérées comme en sureffectif permanent ; il n’y a donc plus de crédits de vacation et les absences et congés maladie ne sont pas remplacés. Les agents « valides » sont devenus les assureurs de l’Etat en effectuant des heures supplémentaires non payées !
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Les déplacements plus longs et plus fréquents sont sources de risque supplémentaires.
Selon une étude d’accidentologie menée dans la région Centre, 62% des accidents mortels au travail sont des accidents de la route).
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Beaucoup d’agents en fin de carrière se retrouvent complètement démotivés, tant ils perdent de réforme en réforme tous les éléments constitutifs de leurs métiers, et dilapident l’énergie qu’ils y ont longuement consacrée. Ceux-ci connaissent trop souvent dépression et congé longue maladie …
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L’ambiance dans les services se détériore et chaque réforme amène son lot de tensions supplémentaires : hiérarchie peu disponible, situations d’incompétence exacerbées, collègues concurrents sur un même poste …
Il résulte de ce mal-être au travail généralisé une vraie souffrance qui se traduit de diverses manières : arrêts maladie, dépressions, multiplication des situations de harcèlement ; ces dernières devant en effet aussi être considérées comme le résultat du manque de moyens humains (agents et encadrement sous pression, manque de temps pour résoudre les difficultés dès qu’elles se présentent, situations d’incompétence dues aux changements de métiers imposés… )
Et la réorganisation administrative est une aubaine pour justifier encore davantage de réductions d’effectifs …
L’administration s’est résolument saisie du sujet des risques psychosociaux alors que ce sont ses propres pratiques qui en sont génératrices !
Des solutions à mettre en place
Accompagnement personnalisé des agents :
Si les directeurs et chefs de service sont forcément partie prenante de l’accompagnement des agents, il est anormal de leur en abandonner toute la responsabilité. Faute de temps et de formation adaptée, les structures déjà aujourd’hui ne peuvent faire face et leur action ne pourra donc être accentuée sans moyens supplémentaires.
Du côté des IGAPS, l’accompagnement actuel des agents se résume souvent à quelques conseils de carrière de qualité inégale.
Faire appel à de véritables professionnels en articulation avec le dispositif existant permettrait aux agents de trouver un point d’appui solide et efficace propre à calmer leurs inquiétudes.
L’accompagnement des agents doit en outre être proactif, faute de quoi peu d’entre eux iront à la recherche d’un soutien et les effets dévastateurs risquent d’être amplifiés autant qu’ils seront retardés.
Il faut aussi doter les structures de marges de manœuvre : moyens affectés, dont les moyens en personnel permettant de supporter le surcroît de travail dû à la réorganisation ; capacité de prise de décision : souplesse d’application des organigrammes, possibilité de modifier les calendriers, de recourir au tuilage …
Le soutien des agents non titulaires et vacataires est primordial eu égard à la fragilité de cette population.
L’accompagnement des cadres ne doit pas être négligé. De nombreux postes d’encadrement sont seront supprimés alors que ceux-ci sont déjà très chargés dans les organigrammes actuels.
Modalités d’affectation et suivi des agents :
Les priorités de réaffectation sont indispensables, mais elles pèseront sur l’ensemble des agents en figeant les possibilités de mobilité.
Les procédures de CAP doivent être adaptées ; les postes susceptibles d’être supprimés ne doivent pas être proposés à des candidats, qui seraient 2 ans plus tard contraints de bouger à nouveau.
Formation
Des dispositifs spécifiques doivent permettre la formation des agents qui changent de métier.
Pour faciliter la prise en main des nouvelles missions, la formation continue doit également comprendre les échanges de pratiques et le tutorat.
Accompagnement financier :
Les agents acceptant de faire mobilité vont se trouver confrontés à des dépenses supplémentaires : déplacements quotidiens ou bien déménagement, logement plus coûteux …
Les montants des primes de restructuration sont trop faibles et doivent être déplafonnés.
L’accès au logement social doit être facilité.
Garantie de maintien des rémunérations : régime indemnitaire à 3 ans, 5 ans … Et après ? Quid de la NBI ? Des statuts d’emploi ?
Les incitations au départ
Elles doivent être réellement attractives y compris voire surtout pour des agents les plus proches de la retraite ; il serait contreproductif d’obliger ceux-ci à se mobiliser pour développer des compétences sur de nouvelles missions puis abandonner leurs postes, pour un départ à la retraite « le jour» où leurs efforts porteraient leurs fruits.
Les coûts de formation et les coûts humains sont disproportionnés, tout en obstruant la mobilité des collègues plus jeunes.
Or des agents qui ont œuvré pour la fonction publiques un bon nombre d’années peuvent avoir des projets personnels et professionnels intéressants qu’il serait utile de soutenir ; même à moins de cinq ans de l’âge théorique.
Par ailleurs, il faut considérer qu’une forte proportion d’agents repoussent leur départ en retraite du fait des effets de la réforme des retraites (42% des fonctionnaires, selon la Caisse des Dépôts et Consignations, entre juillet 2012 et juin 2013). Les départs naturels attendus au regard de l’âge légal (ou de l’âge théorique) ne seront donc pas forcément au rendez-vous pour contribuer à résorber les excédents de personnels du fait des réformes en cours.
Les outils existent et peuvent être améliorés : a minima, les mesures appliquées en leur temps lors de la RGPP ou au ministère de la Défense doivent à nouveau être actionnées.
Outre un effort sur la durée par rapport à l’âge théorique de départ (généralement 62 ans), il serait utile de prévoir de faire valider tout ou partie des annuités manquantes. En effet, pour partir en retraite dans des conditions acceptables, beaucoup de collègues n’auront pas l’ancienneté pour atteindre les 75% du dernier indice…
Télétravail
Il ne faudrait pas que la réorganisation en cours précipite le recours à cet outil, sur lequel Administration comme OS avançaient prudemment. Si la fusion des régions augmente le nombre d’agents potentiellement concernés, voire volontaires, le télétravail ne peut constituer la solution à tous les cas de figure ; il doit de toutes façons être encadré avec précaution et comporter une période de test.
Parmi les premières règles envisagées, l’autorisation sur la base du volontariat, le plafonnement hebdomadaire et la réversibilité à la demande de l’agent semblent de bon sens. Il est fondamental d’affiner ces règles en trouvant un cadre permettant à la communauté de travail de garder sa cohésion. Quant à la réversibilité à la demande de l’employeur, ses conditions doivent être strictement définies afin que les agents ayant adopté le télétravail ne soient pas suspendus au gré des changements d’équipes de direction.
En particulier, la promesse (réversible) du télétravail ne doit pas amener les agents à accepter des postes trop éloignés de leur domicile.
Outils de communication :
Sont à adapter et à développer pour les rendre aisément disponibles les outils de travail en commun à distance : visioconférence et web-conférences, partage de fichiers …
En guise de conclusion provisoire:
Ce document, on s’en doute, a vocation à être évolutif.
A ce stade, nous avons principalement retenu que les agents considèrent avoir été trop peu consultés pour l’établissement des macro-organigrammes qui vont pourtant structurer leur avenir.
L’Alliance du Trèfle continuera, pour les phases suivantes, à synthétiser les préoccupations et les propositions des agents pour les relayer vers l’administration.
Bonjour
Merci pour ce document très intéressant. J’aimerais revenir l’accompagnement de la mobilité (prime de restructuration – PARRE) au travers de 3 alertes :
– Nous sommes nombreux exerçant sur des postes inféodés totalement au PDRH 2007 -2013, sans reconduite de ces missions, soient parce qu’elles sont transférées à la région (pilotage du programme, instruction de certaines mesures), soit parce qu’elles disparaissent complétement (je pense à certains dispositifs du PDRH non reconduits). Ces missions qui disparaissent vont engendrer des fermetures d’activité. Il faudrait d’ores et déjà s’assurer que ces situations seront reconnues comme des fermetures de postes relevant de la réorganisation territoriale. Je veux par là souligner le fait qu’un biais est possible (et donc à éviter) que la PARRE ne soit accessible que dans le seul cadre de la réorganisation des structures liée à la fusion des régions. Il faudrait plutôt considérer que la PARRE couvre toutes les fermetures de postes liées à la MAPTAM ( soit entre autres la fusion des régions mais aussi le transfert des fonds européens au régions).
De façon plus concrète : j’exerce en DRAAF sur le PDRH. Au 31/12/15 ce programme sera théoriquement terminé (tous les paiements exécutés, il ne restera que la cloture). Si, du fait de cette diminution d’activité, on me propose un poste distant géographiquement de celui que j’occupe aujourd’hui, il serait souhaitable qu’il soit reconnu que l’on est dans une fermeture de poste et pas dans un reclassement ou autre qualificatif qui rendrait la PARRE inaccessible. Ce cas est assez particulier car il déroge aux mobilités classiques liées à la fusion des régions : Mieux vaut prévenir que guérir et clarifier cette situation
– Un agent dont le poste est fermé et transféré sur un autre site régional pourra préférer changer d’administration : il faudrait s’assurer que dans ce cas également, il pourra avoir accès à la PARRE. Là aussi je vois en effet un risque que je peux résumer en « vous ne prenez pas le poste que l’on vous offre au sein de votre administration, vous choisissez une autre administration (voire un établissement public (ASP, ONF,…), c’est votre choix et non plus une mobilité imposée, on ne vous verse pas la PARRE ». Là encore, mieux vaut prévenir que guérir…
– Certains agents vont peut être anticiper en « faisant mouvement » dès cet automne hors CAP. Dans ce cas, il serait légitime que la PARRE leur soit offert (et pas seulement aux mobilités constatées à partir du 1er Janvier 2016)
Merci pour votre attention et la suite que vous voudrez bien donner à ces points de vigilance et d’alerte.
Très bonne suggestion.