Lanceurs d’alertes : l’arrêté révélé – 1/2

Ou comment faire du bruit dans la discrétion.

Lancer l’alerte

L’arrêté du 14 mars 2024 précise la procédure interne au MASA de recueil des signalements.

Les projets de cet arrêtés avaient été présentés 2 fois en CSA ministériel. Lors de la première présentation, l’Alliance du Trèfle et les autres OS avaient remarqué de nombreuses lacunes et incohérence qui ont valu un deuxième passage.

Alors, en faisant une synthèse avec les textes généraux, qu’en est-il exactement ?

Qu’est ce qu’un lanceur d’alerte ?

De façon générale, un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime (infraction la plus grave punissable par une peine de prison (homicide volontaire ou viol par exemple), un délit (acte interdit par la loi et puni d’une amende et/ou d’une peine d’emprisonnement inférieure à 10 ans), une menace ou un préjudice pour l’intérêt général. Il peut également s’agir d’une violation (ou une tentative de dissimulation de cette violation) d’un engagement international de la France.

L’arrêté MASA n’apporte pas de définition.

Qui peut-être lanceur d’alerte ?

Il peut s’agir d’un salarié ou d’un ancien salarié, mais également de personnes qui se sont portées candidates à un emploi. Les informations doivent avoir été obtenues soit pendant l’exécution du contrat, soit dans le cadre de la candidature à l’emploi.

L’arrêté du 14 mars est plus précis.

Les lanceurs d’alertes doivent être des personnes physiques

Ce sont :

  • 1° Les membres du personnel , les anciens membres, lorsque les informations ont été obtenues à l’occasion de leur travail,
  • 2° Les personnes qui se sont portées candidates à un emploi, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette candidature ;
  • 3° Les collaborateurs extérieurs et occasionnels ;
  • 4° Les cocontractants, les sous-traitants ou, lorsqu’il s’agit de personnes morales, les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants ainsi que les membres de leur personnel.

Les lanceurs d’alertes doivent relever de services précis

Ces personnes doivent relever des services ci-dessous :

  • 1° Les services de l’administration centrale du MASA et les services à compétence nationale qui leur sont rattachés ;
  • 2° Les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et les directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt ;
  • 3° Les services des directions départementales interministérielles intervenant dans les domaines de compétence des services mentionnés aux 1° et 2° ;
  • 4° Les établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole.

Quels faits et informations sont concernées ?

Ce sont les informations obtenues :

  • dans le cadre des activités professionnelles, portant sur
    • un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général,
    • une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation
      • d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France,
      • d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement,
  • portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire,
  • à l’exception des faits, informations et documents, quel que soit leur forme ou leur support, dont la révélation ou la divulgation est interdite par les dispositions relatives
    • au secret de la défense nationale,
    • au secret médical,
    • au secret des délibérations judiciaires,
    • au secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires,
    • au secret professionnel de l’avocat.

Il pourra s’agir notamment de faits de harcèlement moral ou sexuel.

Quelle est l’étendue de la protection du lanceur d’alerte ?

Les dispositions générales s’appliquent (énumérées sur le site service-public) et sont parfois complétées par l’arrêté du 14 mars.

La protection concerne le lanceur d’alerte, mais également toute personne physique (collègues, proches) ou morale – syndicat notamment – qui l’aide à effectuer le signalement ou la divulgation.

Garantie de confidentialité de l’identité

La confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées et de tout tiers mentionné dans le signalement est garantie.

Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent pas être divulgués sans son accord. Ils peuvent cependant être transmis à l’autorité judiciaire, dans certains cas.

Lorsque les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements doivent dénoncer les faits recueillis à l’autorité judiciaire, les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte peuvent également lui être communiqués. Dans ce cas, le lanceur d’alerte en est informé.

Et plus précisément pour le MASA ?

Les enregistrements, transcriptions et procès-verbaux ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent.

L’obligation de garantir la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées par le signalement et des informations recueillies s’impose à toutes les personnes chargées de la gestion du signalement. Les informations détenues par ces personnes sont limitées à ce qui est strictement nécessaire aux seuls besoins de vérification ou de traitement du signalement.
En cas de nécessité de communiquer avec des tiers, notamment pour effectuer des vérifications ou traiter l’alerte, toutes les précautions sont prises pour restreindre l’accès aux informations aux seules personnes qui doivent en connaître. Les tiers sont informés de la nécessité de respecter les règles de confidentialité.
Il ne peut être divulgué d’éléments de nature à identifier l’auteur du signalement, sauf à l’autorité judiciaire, qu’avec le consentement de celui-ci.

Les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l’identification de son auteur et des personnes mises en cause sont détruits au plus tard deux mois après la clôture des opérations de traitement du signalement.

Toutefois, lorsqu’une procédure disciplinaire ou judiciaire est engagée à l’encontre de la personne mise en cause ou de l’auteur d’un signalement abusif, les données relatives au signalement sont conservées jusqu’au terme de la procédure.

Irresponsabilité civile

Lorsque la procédure de signalement ou de divulgation publique est respectée, les bénéficiaires de la protection ne pourront pas être condamnés à verser des dommages et intérêts pour les dommages causés par ce signalement ou cette divulgation publique.

Le lanceur d’alerte doit avoir eu des motifs raisonnables de croire que cette procédure était nécessaire à la sauvegarde des intérêts menacés.

Irresponsabilité pénale

Lorsque la procédure de signalement ou de divulgation publique est respectée, les bénéficiaires de la protection ne sont pas responsables pénalement.

Cette irresponsabilité s’applique aux infractions (acte interdit par la loi et passible de sanctions pénales) éventuellement commises pour obtenir les documents permettant de prouver les informations signalées ou divulguées. Néanmoins, il ne doit pas y avoir eu infraction pour obtenir les informations proprement dites.

Protection contre des mesures de représailles, notamment disciplinaires

La protection porte sur toute mesure de représailles qui prendraient notamment l’une des formes suivantes :

  • Suspension, mise à pied, licenciement
  • Rétrogradation ou refus de promotion
  • Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire
  • Suspension de la formation
  • Évaluation de performance négative
  • Mesures disciplinaires
  • Discrimination
  • Non-renouvellement d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat de travail temporaire.

Quelle est la procédure à respecter ?

Le respect de la procédure est une condition nécessaire pour la protection du lanceur d’alerte.

L’auteur du signalement prend toutes les précautions nécessaires pour assurer la confidentialité des informations relatives au signalement.

A qui et comment adresser le signalement ?

Le signalement est adressé au président du collège de déontologie

  • par une voie dématérialisée garantissant la confidentialité des échanges, accessible sur le site du ministère à la rubrique « Lanceurs d’alerte », rubrique que nous n’avons pas pu trouver… Dans l’attente de sa création, l’adresse <deontologie@agriculture.gouv.fr> devrait probablement rester active.

  • ou par courrier et sous double enveloppe.

  • Sur l’enveloppe extérieure figure :
    • le nom et l’dresse du destinataire,
    • la mention « Personnel et confidentiel« .
  • Sur l’enveloppe intérieure figure :
    • lors du premier échange :
      • la mention « Confidentiel – Signalement d’une alerte au titre de la loi du 9 décembre 2016 »
      • sa date de transmission.
    • Lors des autres échanges, qui s’effectuent dans les mêmes conditions, seul le numéro du dossier figure sur l’enveloppe intérieure.
M. le Président du collège de déontologie 
Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
CGAAER
251 Rue de Vaugirard
75732 PARIS CEDEX 15

PERSONNEL ET CONFIDENTIEL

L’auteur du signalement peut demander l’organisation d’une rencontre physique ou d’une visioconférence

Celle-ci se tient au plus tard dans les 20 jours ouvrés après réception de la demande.

Avec le consentement de l’auteur du signalement, il est établi, soit un enregistrement de la conversation sur un support durable et récupérable, soit un procès-verbal précis.

L’auteur du signalement a la possibilité de vérifier, de rectifier et d’approuver la transcription de la conversation ou le procès-verbal par l’apposition de sa signature.

Les enregistrements, transcriptions et procès-verbaux ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent.

Que doit préciser le signalement ?


Le signalement comporte une description détaillée des faits, actes, menaces ou préjudices en cause…

date, heure, lieu, nature et circonstances dans lesquelles l’auteur a eu connaissance de l’évènement ou des faits, dommages éventuels, auteur des faits, victimes, témoins.

L’auteur du signalement doit, dans la mesure du possible, communiquer tous les documents en sa possession de nature à étayer celui-ci.


Sauf dans le cas où il souhaite rester anonyme, l’auteur du signalement transmet…

tout élément justifiant qu’il appartient à l’une des catégories de personnes mentionnées à l’article 1er.

Il indique les conditions dans lesquelles il peut être contacté.

Il atteste sur l’honneur que le signalement est fait sans contrepartie financière directe et de bonne foi.

Le lanceur d’alerte n’est pas obligé d’effectuer un signalement interne avant d’effectuer un signalement externe. La procédure de signalement interne diffère selon la taille de l’entreprise.

Est-ce obligatoire d’envoyer le signalement en interne ?

Non, le signalement externe peut être effectué soit directement, soit après le signalement interne.

Il s’effectue :

  • Au défenseur des droits
  • À l’autorité judiciaire
  • À l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union européenne (UE) compétent s’agissant d’une violation d’un droit de l’UE
  • À l’autorité compétente, notamment :
    • DGCCRF: DGCCRF : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
    • HAS: HAS : Haute autorité de santé
    • Cnil: Cnil : Commission nationale de l’informatique et des libertés
    • DGT: DGT : Direction générale du travail
    • DGEFP
  • Lanceur d’alerte 1/1 : lancer une alerte, et après ?

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